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 Président de l'association VENT D'OUEST

DEBAT SUR UN NOUVEL ACTE DE DECENTRALISATION

18 Décembre 2012 Publié dans #Politique régionale

INTERVENTION DE DANIEL GILLES POUR LE GROUPE DES ELUS COMMUNISTES

 

Quelques mots, quelques réflexions à notre tour, sur ce document breton intitulé «projet de contribution au débat national sur un nouvel acte de décentralisation» et peut être plus généralement sur le mouvement que nous souhaitons pour  la réforme de l'Etat, pour l'évolution de notre République et pour la prise en compte des projets et aspirations de ses territoires, singulièrement de ceux de la Bretagne. Tout d'abord pour nous féliciter que ce moment de débat ait lieu !

C'est une étape dans un mouvement forcément continu que nous souhaitons voir :

-        s'approfondir et déboucher au prochain semestre, d'une part vers une loi qui permette d'avancer significativement en matière d'action publique décentralisée et donc pour nous régionalisée ! Avec simultanément et dialectiquement le renforcement  de la contractualisation Etat-régions Etat-territoires et de réelles avancées pour la réforme de l'Etat et de la fiscalité.

-        De ce point de vue, les éléments portés à notre connaissance sur l'avant projet amène bien des inquiétudes et des interrogations mais ce n'est encore qu'un avant projet Marylise Lebranchu nous dira sans doute que ce n'est même pas un avant-projet mais une cogitation administrative et je parie bien sur, à ce stade, sur l'intérêt et la prise en compte ultérieure de nos contributions.

-        s'approfondir et déboucher au prochain semestre, d'autre part sur la mise en place  d'expérimentations hardies permettant dans notre région ouverte sur le monde, comme dans d'autres, un développement humain du XXIe siècle par l'action conjuguée d'un développement économique soutenable et d'une action publique forte, responsable et harmonieuse.

 

Peut être aussi, pour nous, de considérer que si  avec notre Président Jean-Yves le Drian, le Président Massiot  et beaucoup de nos collègues du Conseil régional sur différents bancs, nous souhaitons que la Bretagne prolonge sa tradition régionaliste, la bonne image qu'elle donne du fait régional d'aujourd'hui et son  mouvement fort vers le progrès, comme aussi son attachement à la nation Française, comme sa volonté de participer à une construction européenne qui doit être profondément revisitée, ou plus modestement aux équilibres de l'humanité de la planète, nous  constatons que l'ambition d'écrire un bel ensemble de propositions bretonnes sur des sujets aussi vastes et complexes n'est pas si simple à tenir,  ni à réussir.

Que ce premier document justement, sorte de toute première synthèse de réflexions émanant des trois groupes de travail mis en place pour contribuer, n'est pour nous, également qu'un premier jet ! Un texte forcément martyr, comme on dit, même si l'on peut savoir gré à ceux qui s'y sont essayés d'avoir trouvé quelques bons développements ou formules, d'avoir repris, mais parfois de manière disparate, voire déséquilibrées, des propositions positives des uns et des autres : « 3 mots pour le sport, 3 pages pour la culture… je n'oppose surtout pas mais c'est un parti pris du rédacteur qui n'était pas convenable » Mais surtout je remercie les rédacteurs d'avoir eu l'élégance et la subtilité de ne pas tout écrire, ce qui nous permet, à ce stade de parler pour critiquer, compléter, enrichir !

Que de ce point de vue, pour commencer à pointer quelques besoins sérieux en matière d'ambition, le point actuel dans ce débat général coordonné au plan national par Marylise  Lebranchu me paraît nécessiter dans l'exercice que nous avons choisi de manière autonome,d'être dans une posture d'affirmation de volonté bretonne et de propositions novatrices. Qu'il s'agit d'y mettre, forts de nos expériences avancées, de notre façon de vivre l'action publique, de l'ambition de la volonté ! De bousculer les blocages, les vielles cultures des siècles précédents. Bref de présenter un ensemble  cohérent allant jusqu'à une expérimentation  globale, en relation avec des propositions d'articulation avec les logiques et fonctionnement nationaux.

C'est d'autant plus nécessaire que d'autres logiciels ou modèles en cours dans les administrations centrales et les groupes de pensées barycentrés quelque part entre Bercy et le ministère de l'intérieur et quelques autres lieux de pouvoirs à l'intérieur du périphérique parisien, développent des techniques de rouleaux compresseurs face aux évolutions créatives et aux véritables réformes progressistes. Pierrick Massiot en a parlé à sa manière dans son introduction, ça tombe bien je voulais aussi vous dire qu' on en pas tout à fait fini de ce qu'un vieux sage lorientais, que je connais bien et lorsqu'il est en forme qualifie de système soviéto-courtelinien !

C'est pourquoi nous appelons à  «fendre l'armure» à ne pas être tétanisés et donc pour février, d'avancer sur un document complété, enrichi, renforcé permettant de faire que le texte de loi soit ouvert et que les règles, gouvernances et fonctionnements de l'action publique puisse connaître, chers collègues, un choc d'efficacité (je préfère vous l'avez compris ce nouveau concept à celui inspiré par les forces du marché, de choc de compétitivité...) contribuant avec l'élan retrouvé des acteurs économiques à la croissance et, avec la bonne volonté du monde du travail et de la création, nous puissions envisager les prochaines périodes positivement.

Cela veut dire aussi que si nous voulons aller dans ce sens il nous faut pointer les contradictions existantes et prégnantes d'aujourd'hui pour bien les analyser, les circonscrire, les dépasser et pour engager de véritables réformes structurelles.

Alors , c'est vrai, nous avons quand même un peu le sentiment que ce texte  reprend pour l'essentiel les annonces faites par la ministre en charge du dossier, notamment dans cette enceinte, en les précisant mais qu'il va rarement au delà. Or, compte tenu des intentions énoncées antérieurement et des premières copies des groupes thématiques, on pouvait s'attendre à des propositions bien plus innovantes, plus ambitieuses.

Un certain nombre de constats ou d'intentions peuvent certes être aisément partagés :

-        La montée en puissance du fait régional et une première décentralisation qui a sur 3 décennies permis des avancées incontestables pour l'efficacité de l'action publique : lycées , transports, équipements et services publics locaux...Des attentes particulièrement fortes chez nous, vis à vis de la Région dans de nombreux domaines, et d'ailleurs pas toujours sur les compétences traditionnelles. Jean-Jacques Queyranne rappelait dans un débat à Lyon auquel je participais, que pour le congrès des régions de France de 2004 un congrès refondateur intitulé le fait régional, le CSA dans un sondage, avait montré que les compétences où les français attendaient le plus les régions étaient dans l'ordre : le sport, le tourisme, la culture ! C'est peut être bien de ne pas l'oublier.

-        pour autant un véritable essoufflement se fait jour du fait d'un manque formidable de moyens, accentué encore par des réformes fiscales qui mettent les collectivités et les élus en difficulté et particulièrement les régions à l'encan. Il y a absolument besoin de redynamiser.

-        La réforme  ne peut se limiter à des enjeux techniques ni à des transferts de charges de l'Etat vers les collectivités, pas plus que des transferts de compétences sans moyens et, du coup le transfert des mécontentements.

-        On peu aussi dire que d'un coté on parle de clarification des compétences souvent évoquée, de notions de chef de file, de schémas prescriptifs ou opposables, mais de l'autre on prêche le maintien de la compétence générale et la non tutelle d'une collectivité sur une autre,

surtout si on considère le niveau régional uniquement comme une collectivité locale, ce qui pour  pour moi ne peut, ne doit être considéré. Il y a là, si l'on veut donner raison à tout le monde de quoi y perdre son latin et surtout de gros risques à rendre la réforme bien peu pertinente.

          Les derniers arbitrages sur les modes de scrutin départementaux ou les propositions bien timorées de la commission dite Jospin aggravent mes inquiétudes.

J'en viens à formuler quelques pistes et demandes de renforcement en redisant surtout à ce stade notre disponibilité pour les améliorer encore, pour écouter les autres et aussi pour être entendus.

Concernant les compétences

 

On peut convenir que le développement économique et la nécessité impérieuse de retrouver des marges de croissance, de redresser le pays doivent être une priorité majeure et que les régions doivent y jouer un rôle important. On peut, bien sur, être favorable à un schéma régional du développement économique et de l'innovation mais aussi à une meilleure considération du tourisme, du sport et même de la culture du point de vue économique, il n'en reste pas moins que les stratégies régionales doivent s'articuler avec le national et la réalité mondiale. Il s'agit souvent de résister aux mauvais mécanismes du capitalisme financier et, de ce point de vue,  les régions ne pourront pas tout !De disputer les choix et les moyens de l'investissement d'avenir concourant au redressement, de pouvoir participer avec force à la Banque publique d'Investissement et d'être exigeant sur tous les mécanismes du crédit. Ca se passe souvent a d'autres niveaux, mais oui les régions peuvent travailler avec les PME, les TPE, les entrepreneurs et le monde du travail, aider en matière de recherche d'innovation . Dans toutes ces actions la relation avec les grandes agglos est bien sur posée.

 

-Si le rôle des régions peut être encore renforcé en matière de pilotage de l'emploi et de la formation, de l'orientation, donc aussi sur les cartes de formation initiales et professionnelles de l'apprentissage, comme même sur les questions des diplômes, il s'agit de dépasser par le haut les logiques actuelles et la lourdeur pour ne pas dire plus des autorités académiques et de gagner une meilleure collaboration des services de l'Etat

-dans le domaine de l'aménagement du territoire si un projet stratégique prospectif visant à construire une vision du territoire à moyen terme est nécessaire il peut être utile pour renforcer et élargir les actuels SRADDT d' intégrer des documents stratégiques opposables en matière de foncier...

Dans la contractualisation avec l'Etat, l'élaboration et le suivi de contrats de plan Etat-Région restent pour moi des outils indispensables afin de sanctuariser les engagements, de travailler à éviter les concurrences excessives entre projets ou territoires et de garantir des plans de financements équilibrés. Ils sont aussi les outils d'une péréquation nationale. Avec le pilotage et le suivi des fonds européens qui doit passer aux régions.

La question du caractère prescriptif et de l'articulation de ces contrats avec d'autres contrats de territoire notamment pour les grandes villes et agglos doit être précisé.

 

 

Concernant les expérimentations

 

Il faut évidemment sortir du carcan et du schéma grossièrement simpliste qui veut qu'une expérimentation ne peut être acceptée que lorsqu'elle est généralisable ce qui est stupide et nécessite donc une modification dans la loi.

Les propositions travaillées par le groupe de travail ad hoc méritent d'être largement reprises ce qui est loin d'être le cas dans ce texte (je trouve bien qu'il y ait 2 pages sur la culture, beaucoup moins qu'il n'y ait que 3 mots sur le sport, le parti pris du rédacteur n'est pas convenable) Prendre donc, même si elles sont de nature différentes, si elles interviennent sur des périmètres des compétences et selon des modalités de gouvernances variées mais presque toujours finalement  partagées. D'autant qu'elles s'appuient sur de réelles pratiques et véritables démarches innovantes et expérimentales donnant déjà de bons résultats en Bretagne.

Plus globalement, si la Corse et l'Alsace ont engagé des démarches particulières dans le cadre de l'évolution de notre République le moment n'est il pas venu de travailler au niveau de la Bretagne en s'appuyant sur l'expérience du B16, de ses déclinaisons thématiques, des instances de dialogues comme le C.E.S.E.R bien sur mais aussi les conseils et conférences mises en place et qui fonctionnent, faisant vivre une bonne démocratie, une expérience plus globale de nouveau partage de la responsabilité stratégique entre l'Etat et la Région, permettant à l'Etat de se recentrer sur ses missions stratégiques, de confier à la Région la responsabilité et les moyens de son action territorialisée en travaillant d'un même élan à supprimer des doublons néfastes et inutiles…

Compte tenu des réticences, des oppositions que l'on voit sourdre, mais aussi de la réalité fort éloignée des différentes région de France au plan de la population, de l'histoire, de la géographie, de la sociologie, du développement ( quoi de commun véritablement entre l'Ile de France et le Limousin même si là bas on fabrique des PDT de la République... sans parler de la Corse) , du risque évident de voir la loi générale devoir être surtout un cadre minimal, même s'il devra être ouvert, il s'agit a mon sens de présenter l'essentiel des principes de l'acte de «régionalisation» et de son ambition décrits dans les pages 7 à 12 en les musclants, comme une expérimentation globale en Bretagne, notamment au plan de la gouvernance et des transferts de moyens. On peut douter en effet de la possibilité concrète d'ériger cela en règle générale dans toutes les régions de France.

Cela n'enlèverait rien aux problématiques et architecture des conférences territoriales dont on parle beaucoup dans les régions, celles ci devront forcément être adaptées à chaque réalité. Celle de la Bretagne ayant sa particularité

 

Concernant les questions des moyens

 

Si  nous partageons pleinement la revendication d'une refonte du cadre législatif concernant

les transferts de compétences, ce qui nécessite un total rééquilibre des conditions de compensation des charges transférées, si nous défendons la nécessité de détenir certains pouvoirs réglementaires délégués, il s'agit aujourd'hui de permettre une véritable recomposition des ressources régionales leur assurant dynamisme et volume.

Si on doit travailler à l'extinction des strates de compensations successives de dotations de l'Etat devenues inextricables il s'agit surtout de donner un niveau d'autonomie et de dynamisme cohérent et à la hauteur du fait régional et des ambitions d'une République moderne .

Il s'agit aussi, bien sur, de participer d'une justice fiscale et d'une mise en cohérence et en équilibre d'une fiscalité globale.

Si un certain nombre de pistes sont évoquées dans le document elles restent de notre point de vue très en deçà des enjeux et en retrait sur ce qui était régulièrement pointé et indiqué ici même et ailleurs par les élus auparavant.

Il n'est pas inutile de rappeler que, récemment, un Sénateur socialiste breton, bon connaisseur des finances publiques, nous rappelait que la droite de 2002 à 2012 a fait globalement passer dans la colonne recettes des collectivités la part des contributions du monde économique dans les ressources fiscales de 70% à 50% et que celles des ménages passaient elles de 30 à 50%… Chacun comprend le sens et l'orientation. Je ne crois pas qu'il faille persévérer dans cette voie. Les propositions d'un réel pouvoir de modulation additionnelle au C.V.A.E., d'un retour d'une part de  C.F.E. revue et corrigée, l'intégration de bases plus larges d' I.F.E.R. ou d'autres bases pouvant connaître un dynamisme peuvent être décidées.

La proposition d'une part «marginale» mais aboutissant à un volume significatif d'impôts nationaux peut être soutenue à condition qu'elle conserve un équilibre entre ménages et monde économique. L'impôt sur le revenu ne peut être une piste unique encore moins l'impôt indirect, l'I.S.   pourrait être sollicité.

Puisque les régions sont fortement contributrices à des investissements lourds de transports, c'est particulièrement vrai dans notre péninsule à l'extrême ouest de l'Eurasie, la question d'un VT régional ne saurait être abandonné, même si des surtaxes d'aménagement répercutées sur les usagers peuvent être étudiées il s'agit bien de réinventer des équilibres contribuables -usagers;

Les questions de  la péréquation nationale doivent être abordées, horizontale ou verticale elle doit être, on peut rappeler ici une proposition ancienne mais toujours valable : une imposition marginale des actifs financiers alimentant un fond national de péréquation aux collectivités.

Plus globalement il s'agit là de vraiment ouvrir et faire avancer le large débat d'une réforme fiscale globale, une des clefs des engagements de la législature et de la Présidence de la République.

Ces quelques idées, avec d'autres doivent s'inscrire dans un ensemble fiscal juste et mesuré pour une action publique réorganisée, optimisée, rendue plus cohérente et efficace et participant d'un redressement national.

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